LE NOAH
et les autres cépages hybrides
 RESPONSABLES, SAUVEURS et MARTYRS

  les cépages  

 

EPISODE 1 : L'OIDIUM

En 1851, on constate que les ceps de vigne sont atteints par une maladie provoquée par un champignon microscopique, l'oïdium. Le raisin se couvre d'une pellicule blanche et il dépérit . Le seul remède efficace est le soufrage.

EPISODE 2 : L'HYBRIDE , LA VOILE ET LA VAPEUR

Pour enrayer le mal ,  on  fait venir d'Amérique des cépages producteurs directs, Isabelle et Concord  résistant  à toutes les maladies.
Ces plants étaient porteurs d'un puceron appelé phylloxera contre lequel ils étaient immunisés.
Transporté par bateau à voile, le puceron  ne survivait pas au temps de la traversée de l'Atlantique
Avec l'apparition des bateaux à vapeur plus rapides, les pucerons vont pouvoir arriver vivants à Marseille.

C'est ainsi que dès 1863 le phylloxéra va commencer à se développer. En  s'attaquant  aux racines de la vigne, il provoque le dépérissement irrémédiable des ceps. C'est en 1870 que l'origine américaine du phylloxéra à partir de plants importés est reconnue dans les milieux scientifiques et agricoles.

Faute de pouvoir détruire le parasite par des moyens naturels (noyer les vignes pendant 30 jours) ou chimiques (sulfocarbonate de sodium), il faut faire appel  pour reconstituer le vignoble aux porte greffe américains immunisés qui avaient fait leur apparition au moment de l'oïdium : le Clinton, le Jacquez, l'Isabelle, le Noah, l'Herbemont. Grace à eux , la crise prendra fin vers 1900.

Le Clinton,  n'aime pas les sols calcaires, Il a un goût de framboise ou d'airelle, mais on lui reproche d'être un peu "foxé" (de fox, renard ), c'est à dire d'avoir un goût de "pissat de renard" ou de "punaise écrasée".
Le Jacquez, a un goût de cassis, il a la réputation de se "casser" au contact de l'air.

L'Isabelle a un goût de framboise ou de cerise confite prononcé.
Le Noah est, comme le Clinton, un peu "foxé".
L'Herbemont  n'aime pas les terrains calcaires.

EPISODE 3 : L'INTERDICTION

Le phylloxéra a forcé les vignerons français à réviser toutes leurs techniques de production. Mais il en résulte, après la première guerre mondiale, une grave crise de surproduction avec, une baisse de la consommation de vin constatée dès 1926 et, d'autre part, l'indroduction des  "vins de sucre" et l'arrivée des vins algériens.

En 1934, une loi est votée, son objectif est de lutter contre la concurrence des vins algériens et de favoriser les vins de métropole de qualité. 
Le 24 janvier 1935, le décret d'application de la loi définit les cépages interdits : le Noah, l'othello, l'Isabelle, le Jacquez, le Clinton, l'Herbemont.

En fait, les producteurs directs, et les porte-greffes américains avaient mauvaise réputation, ils étaient en particuler accusés de contenir du méthanol ( qui rend fou et aveugle ). En fait
 si les raisins sont égrappés et correctement vinifiés, ils ne produisent pas plus de méthanol que les autres vins et ils ne rendent pas fous ( à condition  de ne pas en consommer plusieurs litres par jour. !!).
Mon Grand Oncle Anatole Senet  de Sainte Solange a bu toute sa vie le vin blanc de sa vigne uniquement plantée en Noah , et il a vécu bien vieux ....

Ces producteurs directs existent encore, dispersés dans de petites vignes, il faut les protéger, car apres avoir involontairement causé sa perte,  ils ont sauvé, il y a plus d'un siècle, le vignoble Français. Ils sont une petite parcelle de notre histoire.

Notre Noah a  un goût  particulier, on l'aime ou pas, mais ce goût là on ne le retrouvera nulle part ailleurs. Avec les autres plants oubliés,  il est  l'expression du terroir, il est la mémoire de la vigne.